You are currently viewing « Diplomatie : l’alignement farfelu du Sénégal derrière les juntes ! Dakar guide et impulse. » |  (Par Bougane Guèye)

« Diplomatie : l’alignement farfelu du Sénégal derrière les juntes ! Dakar guide et impulse. » | (Par Bougane Guèye)

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Commentaires de la publication :0 commentaire

Depuis l’indépendance, le Sénégal s’est forgé une tradition diplomatique exemplaire, bâtie sur la stabilité institutionnelle, le respect de l’ordre démocratique et l’engagement panafricain. À travers une diplomatie cohérente et respectée, le pays s’est imposé comme un acteur de premier plan dans les affaires régionales et internationales.

Publicité

I. Une diplomatie d’excellence façonnée par des figures emblématiques

Le Sénégal a bâti sa réputation diplomatique sur la compétence, la légitimité républicaine et une constance dans le respect des normes internationales. Ce positionnement est l’œuvre d’un héritage porté par des personnalités de haut niveau :
• Léopold Sédar Senghor, chantre du dialogue des cultures et artisan d’une diplomatie de prestige.
• Abdou Diouf, promoteur de la Francophonie, devenu Secrétaire général de l’OIF, figure du multilatéralisme pacifique.
• Abdoulaye Wade, président visionnaire, co-fondateur du NEPAD, acteur clé de la création de l’Union Africaine et grand défenseur de l’intégration africaine. Wade a su allier ambition africaine, souveraineté politique et diplomatie stratégique.
• Macky Sall, président de l’Union Africaine en 2022, médiateur dans plusieurs crises régionales, fervent défenseur des intérêts africains sur la scène mondiale, notamment sur les enjeux de dette, d’énergie et de climat.

Parallèlement, des diplomates et technocrates sénégalais ont incarné ce leadership au sein des grandes organisations internationales :
• Le Professeur Ibrahima Fall, ancien Sous-secrétaire général des Nations unies, a porté la voix du Sénégal dans les plus hautes sphères de la diplomatie mondiale, notamment sur les questions de droits humains et de maintien de la paix.
• Jacques Diouf, Directeur général de la FAO de 1994 à 2011, a incarné le leadership africain dans la lutte contre la faim et la sécurité alimentaire à l’échelle planétaire.
• Amadou-Mahtar Mbow, Directeur général de l’UNESCO de 1974 à 1987, fut le premier Africain à diriger cette organisation. Il a profondément marqué la politique culturelle mondiale par son plaidoyer en faveur du “Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication”.

A lire aussi :  Affaires étrangères : la ministre Yassine Fall prépare de gros changements dans la diplomatie

Ces figures ont consolidé l’image d’un Sénégal compétent, fiable et influent dans les arènes diplomatiques.

II. Une rupture de cap : la diplomatie parallèle du Premier ministre Ousmane Sonko

Depuis l’intronisation du Président Bassirou Diomaye Faye flanqué de son super puissant et encombrant Premier ministre, un virage inquiétant semble s’opérer dans l’orientation diplomatique du Sénégal. L’un des épisodes les plus révélateurs de ce changement est sans doute le récent déplacement de  Ousmane Sonko à Ouagadougou, capitale d’un pays aujourd’hui dirigé par une junte militaire. Ce geste diplomatique a des implications lourdes et appelle à une réflexion sérieuse sur l’image et la ligne historique de notre diplomatie.
Le Sénégal, de par sa trajectoire, est reconnu comme un sanctuaire démocratique en Afrique . Alternance pacifique, État de droit, respect des libertés publiques et des engagements internationaux : autant de principes qui font notre fierté collective. Les multiples transitions démocratiques depuis 2000 prouvent que, malgré les velléités des différents régimes, la démocratie sénégalaise est ancrée dans la maturité du peuple et de ses institutions.
Dès lors, une question s’impose : pourquoi ce besoin, presque obsessionnel, de se rapprocher de régimes militaires ? Quelle fascination pousse le Premier ministre à tourner le dos aux capitales démocratiques pour une alliance démoniaque avec des juntes adeptes de la baïonnette  et hostiles à la carte d’électeur ?
Une incohérence stratégique

A lire aussi :  Accointances avec Pastef, deux diplomates rappelés à Dakar

Sur le plan diplomatique, cette posture soulève une contradiction majeure. Alors que le Président Diomaye Faye effectuait une visite officielle à Abidjan, dans un esprit d’apaisement et tradition diplomatique, son Premier ministre faisait le choix, dans la foulée, de s’afficher à Ouagadougou ! Ousmane Sonko ne saurait ignorer les relations nauséeuses entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso marquées par des tensions sérieuses et alimentées au quotidien par des accusations d’ingérence. Quelle image veut-on donner du Sénégal ? Celle d’un pays qui joue sur deux tableaux ? Ou celle d’un État qui brise les ponts de la cohérence diplomatique au nom d’un agenda idéologique mal conçu et contre productif ?
Le Sénégal, un poids lourd régional

Il est bon de rappeler que sur le plan économique et politique, le Sénégal occupe une place stratégique dans la sous-région. Dans l’espace UEMOA, les pays dirigés par des juntes (Mali, Burkina, Niger), tous réunis, représentent moins de 10% du poids économique global. Dans la CEDEAO, la Guinée, le Mali, le Burkina et le Niger ne pèsent ensemble que 12% là où le Sénégal représente à lui seul près de 8% du poids économique et politique de l’organisation sous régionale. Ce déséquilibre devrait inciter à la prudence, à la retenue, et non à l’alignement précipité.

A lire aussi :  Affaires étrangères : la ministre Yassine Fall prépare de gros changements dans la diplomatie

Ce que le monde attend du Sénégal, c’est une diplomatie qui inspire, qui guide et qui incarne l’exemple. Rien que la crise Ivoirienne de 2002 et le dossier Palestinien le prouvent à suffisance. L’alternance démocratique pacifique de mars 2024 en est également une parfaite illustration. Notre leadership régional s’est construit sur une vision claire, respectueuse des règles, des partenaires et des peuples. Il ne peut être dilapidé au profit d’une rhétorique révolutionnaire vide et vile, qui confond souveraineté avec repli, et insoumission avec provocation.
Un premier ministre incapable de percer les secrets des réussites diplomatiques saillantes de notre pays associé à un ministre des affaires étrangères ignorante des ficelles utilisées pour faire élire des fils du Sénégal à la tête de grandes organisations internationales ne sont jamais à l’abri des péripéties de situations potentielles de « casus belli » diplomatique.

Notre pays est écouté et respecté parce qu’il est stable, démocratique et crédible. Cette diplomatie de prestige s’est construite grâce à des hommes d’État visionnaires. Elle ne saurait être sacrifiée sur l’autel d’une aventure politique sans boussole.

Bougane Guéye
Président du mouvement Gueum Sa Bopp « Les Jaambaars »

Publicité

Laisser un commentaire